Que se soit pour expédier des échantillons de déchets dangereux en vue de leur caractérisation par un laboratoire de centre de traitement ou bien que se soit pour expédier des prélèvements en vue de savoir s'ils sont amiantés, il est très courant que des entreprises soient confrontées au sujet de la remise au transport d'échantillon.
Au regard des faibles volumes et poids  concernés, nombre d'entres elles  se tournent tout naturellement vers les services de  LA POSTE via sa prestation "COLISSIMO" par exemple. 
Beaucoup d'entreprises le font, mais en ont-elles le droit ?
Comme d'habitude, nous ne nous intéresserons pas à la pratique ni aux assertions couramment entendues mais à ce qui est autorisé et ce qui est interdit, références réglementaires irréfragables à l'appui.
Rappelons que la pratique ne fait pas la Loi.



Aucune réglementation  n'interdit de faire appel aux services de LA POSTE pour ce genre de transport. Mais les CGV (Conditions Générales de Vente) de la LA POSTE elles l'interdisent explicitement.

Ainsi, l'article 5 des CGV stipule:

"4.5.1 Ensemble des envois postaux

Il est interdit d’insérer les objets suivants dans les envois postaux, notamment en application des dispositions particulières de l’Union Postale Universelle :

• les matières ou objets dangereux ou salissants :

- toute marchandise relevant des réglementations nationales, européennes et internationales sur les produits dangereux tels que notamment définis par les règlements OACI comme, de façon non exhaustive : les explosifs, les munitions, les gaz, les matières inflammables solides et liquides, les substances oxydantes, toxiques et/ou, infectieuses, les produits corrosifs ou radioactifs, les piles et batteries au lithium ;

- tous les objets qui, par leur nature, leur emballage ou leur conditionnement, peuvent présenter un danger pour les personnels, les tiers, l’environnement, la sécurité des engins de transport, ou endommager les autres objets transportés, les machines, les véhicules ou les biens appartenant à des tiers ;

(..)
En cas d’insertion par l’expéditeur d’un contenu interdit, aucune indemnisation ne pourra lui être versée et sa responsabilité pourra être engagée."
 

https://www.laposte.fr/conditions-generales-de-vente (version du 12 avril 2022).
"(4) Des informations sur les contenus interdits dans les envois postaux sont consultables sur le site Internet de l’UPU : www.upu.int/fr.html
https://www.upu.int/fr/Union-postale-universelle/Promotion-et-campagnes/Marchandises-dangereuses
https://www.upu.int/getmedia/3e788b7b-67c7-42fc-a018-c7f02b1860a3/upuFlyer2021Fr.pdf  (
page 2 point 4)
 (5) Sauf dispositions particulières, se renseigner en point de contact postal."

 

  • Or, l'amiante est une matière dangereuse qui est, sauf application d'une disposition spéciale ad hoc, soumise aux réglementations relatives au transport de marchandises dangereuses.
  • De plus, même lorsqu'il est exempté de ces réglementations, il "présente un danger pour les personnels, les tiers," voire "l'environnement".  Et pour ce seul motif, il est donc interdit au sein du réseau de LA POSTE.
  • Il en est de même pour tout déchet dangereux au sens du Code de l'Environnement. Y compris lorsqu'il est en mélange ou en solution, sauf  à prouver que sa concentration, outre le fait qu'elle est en deçà des seuils prévus par le Règlement (UE) 1357/2014, ne "présente pas de danger pour  les personnels, les tiers, et  l'environnement" (exemple du plomb, de son seuil au sens du dit Règlement mais également de ses propriétés reprotoxiques) . 

Il s'agit là de conditions générales de vente.
Il peut donc y avoir des dérogations (confer renvoi numéro 5 des CGV cité supra) via des conditions particulières.

Exemple de contrat spécifique:  les contrats concernant les dépistages de cancers:

Dans ce cas précis, la marchandise est classée au titre de la classe 6.2 de l'ADR (matières infectieuse) avec le code ONU 3373 (catégorie B). Précisons néanmoins que ce code permet d'être exempté de bon nombre de prescriptions de l'ADR.

 

 

CHRONOPOST pour sa part propose des contrats spécifiques pour certaines marchandises dangereuses:

 

Et pour les déchets dangereux dont l'amiante ?
Pas de contrat spécifique  donc clairement interdit également chez CHRONOPOST via les CGV, article 3, qui reprennent les mêmes définitions que les CGV de la poste:

"
RESTRICTIONS A LA PRISE EN CHARGE  

D'une manière générale ne peuvent être pris en charge : - toutes marchandises relevant des réglementations nationales et internationales sur les produits dangereux comme, de façon non exhaustive, les munitions, les gaz, les matières inflammables, radioactives, toxiques, infectieuses ou corrosives, ainsi que tous les objets qui, par leur nature ou leur conditionnement, peuvent présenter un danger pour les personnels de conduite ou de manutention, l'environnement, la sécurité des engins de transport, ou endommager les autres colis transportés, les véhicules ou les tiers ;  "


Est-ce à dire que l'on ne peut pas les remettre au transport ?
Si bien sûr, mais  avec un transporteur (y compris "messagerie") l'acceptant, via un contrat spécifique "marchandises dangereuses" et, le cas échéant, dans le strict respect de l'ADR.
Rappelons en effet que l'ADR prévoit le cas des expéditions d'échantillons. Ce type de transport est donc prévu par l'ADR et ce de manière très précise; ce tant au niveau des documents de transport qu'au niveau des conditions d'emballage, et avec de nombreuses exemptions partielles d'ADR. Pour ceux qui ont suivi une formation ADR 1.3 ADRAC, nous vous renvoyons au livret de formation qui vous été remis; il n'y a pas eu de changement à ce sujet depuis plus de 10 ans.

Précisons que remettre au transport des marchandises soumises à l’ADR en éludant cette réglementation  constitue un délit pénal qualifié d’expédition dissimulée de marchandises dangereuses : 

 

Types d'infractions

Nature des
infractions (1) Code

Code NATINF

Matières transportées

Dissimulation de matières dangereuses

Délit

23126

  1. Délit : amende de 30 000 euros et emprisonnement de 1 an maximum.

 Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, il y a déjà eu des sinistres sur des chaines de tri logistique,  avec des conséquences pénales mais aussi civiles (sur la base de l'article 1242 du Code Civil - arrêt chaine de tri et manque à gagner)  et  des conséquences en termes de sécurité qui auraient pu être dramatiques.

L'ensemble de ces dispositions paraissent très lourdes pour beaucoup d'intervenants. Mais en dehors de l'aspect réglementaire expliqué supra, regardons les choses d'un côté  pragmatique: est-il normal que des entreprises remettent aux services de LA POSTE,  de CHRONOPOST ou autres des colis contenant, par exemple,  de l'amiante ou un liquide inflammable placé dans un emballage anonyme qui ne renseigne en rien quand au danger potentiel ?
Quand on voit les mesures de protection prises, par exemple, par un diagnostiqueur afin d'éviter tout danger pour lui sur un chantier on regrette le peu de considération prise ensuite  pour autrui lors de la remise au transport des échantillons.
Comme nous disons toujours : "la sécurité ne s'arrête pas à la sortie du chantier ou de l'entreprise productrice des déchets dangereux". Le moindre des respects est de porter à la connaissance des tiers le danger du contenu.

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