Modification du 27 décembre 2022: ce projet de modification n'a finalement pas été retenu.
Cette article est néanmoins conservé à toutes fins utiles...

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Le projet de modification de l’arrêté du 29 mai 2009 dit « arrêté TMD » prévoit concernant le transport d’amiante :

“Sans préjudice des autres dispositions du code du travail et notamment des articles R4412-121 à R4412-123, les fraîsats d’enrobés ayant fait l’objet de prélèvements et d’analyses réalisés par un laboratoire accrédité et attestant une présence de fibres d’amiante inférieure aux limites définies par la réglementation du travail peuvent être transportés au titre de la disposition spéciale 168 du chapitre 3.3 de l’ADR. Dans ce cas les rapports d’analyses sont tenus à la disposition de l’autorité compétente et des autres intervenants tels que définis au 1.4.”

 

Cette nouvelle disposition va sans doute être très bien accueillie par de nombreux intervenants…

 

Mais à notre sens, cette évolution règlementaire pose problème tant sur la forme que sur le fond.

 

Sur la forme:

  • Le texte évoque une disposition du Code du Travail qui fixerait une limite, sous-entendue dangereuse, concernant la concentration d’amiante.
    Se faisant, il se réfère aux “quantités dangereuses de fibres d'amiante respirables pendant le transport » mention édictée par la Disposition Spéciale 168 de l’ADR.
    Et dores et déjà, il y a deux erreurs.
    * La première réside dans le fait que ce n’est pas le Code du Travail qui détermine le taux d’empoussièrement déclenchant une obligation de retrait ou de confinement de l’amiante, mais le Code de la Santé Publique via son article R.1334-28 (les fameux « 5 fibres par litre »).
    * La seconde est l’amalgame qu’il y a entre le « bruit de fond » (la présence naturelle d’amiante dans l’air) cité via le Code de la Santé Publique et la quantité d’amiante qui le rendrait dangereux. Or, ce minéral est un « CMR », un produit cancérigène, et à ce titre, il n’y a pas de dose létale contrairement à un produit toxique (confer les documents de l’ANSES à ce sujet). C’est une erreur courante et on regrettera que l’arrêté TMD, texte réglementaire, la reprenne.
    Cette phrase du prochain arrêté TMD confond donc les dispositions de Code de la Santé publique (5 fibres par litre), celles du Code du Travail (les niveaux 1, 2 et 3) et la « quantité dangereuse d’amiante » (documents ANSES). Fort dommage.
  • Le texte se réfère ensuite à des analyses qui devront attester d’»une présence inférieure aux limites définies par la réglementation du travail» (SIC).
    En toute « logique », on en déduit qu’il faudra donc avoir moins de 5 fibres par litre, car les rédacteurs de cette disposition n’ont probablement pas voulu se référer aux niveaux d’empoussièrement prévus par le Code du Travail.
    Comment effectuer ces analyses ?
    Suivant quelle norme ?
    Suivant quel mode opératoire ?
    S’agissant de travaux de voiries, la norme NFX 46-102 s’applique.
    Mais elle est binaire : il y a présence d’amiante ou pas. L’article 4.6.2. de celle-ci précise :
    « les quantités estimées de MPCA sont données par unité, par linéaire, par surface, par masse ou par volume »  (volume d’enrobé dans le cas présent).
    Doit-on alors se fier à des analyses « environnementales »  afin de connaitre le volume d’amiante par litre d’air ? Mais si tel est le cas, outre qu’il aurait été judicieux que le texte le précise, le résultat ne présumerait en aucun cas du fait que les conditions d'application de la DS 168 de l’ADR soit réunies, à savoir qu’aucunes « quantités dangereuses de fibres d'amiante respirables pendant le transport « ne soit libérées. L’ADR précise bien :  PENDANT LE TRANSPORT, ce qui est cohérent s’agissant d’une réglementation liée au transport…Il s’agit d’une condition sine qua non d’exemption totale d’ADR. Donc peu importe l’empoussièrement lors du retrait.


Bref, cette rédaction est bien absconse et on peut du coup craindre qu’elle soit interprétée de manière très libre et « simplifiée » dans le but de rendre tous ces transports « non soumis ADR ».

Nous en venons du coup au fond du problème:

  • Nonobstant les conditions d’application de cette disposition sibylline, admettons que ces déchets ne soient pas soumis à l’ADR. Ce  n’est pas obligatoirement en soit un soucis, si et seulement si, ils sont emballés et transportés dans des conditions sérieuses.
    Or, qui dit transport non soumis à l’ADR dit libre choix de l’emballage, du contenant....sous réserve de respecter les dispositions de la DS 168 citées ci-dessus...
    En d’autres termes, nous allons assister au retour en grâce des conteneurs-bags avec fermetures à lacets et à rabats, non étanches de conception,  et de résistance purement théorique…
    Certes, comme évoqué supra, la DS 168 prévoit explicitement que le transport ne peut être exempté de la réglementation ADR que s’il est garanti “qu'il ne puisse pas y avoir libération en quantités dangereuses de fibres d'amiante respirables pendant le transport » et rend donc ces contenants non-conformes, mais l’expérience dans ce domaine prouve que beaucoup d’intervenants (certains revendeurs, entreprises de travaux, transporteurs et mêmes certains professionnels du conseils ou de la formation) ne s’arrêtent pas à ce « détail » et « simplifient » la réglementation.

Car après tout, pour certains, c’est bien connu, l’amiante n’est dangereux que sur les chantiers et on ne va dépenser quelques euros de plus afin de garantir la sécurité des tiers…

 

              Ci-après, une photo d’un conteneur-bag avec fermeture à rabats et à lacets…

 

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