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Dans un arrêt du 21 septembre 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que "le refus réitéré sans motif véritable" d'un employé de porter un équipement de protection individuelle (EPI), en l'occurrence des lunettes de sécurité, constitue une faute grave, de nature à justifier son licenciement. 
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024593317&fastReqId=1894657415&fastPos=1

 

Dans un arrêt du 23 juin 2016, la Cour de cassation rappelle qu'il revient à l'employeur de démontrer la répétition du défaut de port des chaussures de sécurité, par un salarié, pour que cette faute constitue une faute grave et rende impossible son maintien dans l'entreprise. Il revient ensuite au juge d’apprécier les éléments de faits et de preuve produits, afin de trancher ou non en faveur de cette répétition. En outre, si le non port, non répété, d'un EPI (Equipement de protection individuelle) ne constitue pas une faute grave, il n'en est pas moins un élément caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000032782416&fastReqId=2132102405&fastPos=1

 

Références

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du jeudi 23 juin 2016
N° de pourvoi: 15-13065
Non publié au bulletin Rejet

M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 décembre 2014), que M. X... a été engagé le 31 août 1992 par la société Socar, devenue la société Smurfit Kappa France, en qualité d'ouvrier spécialisé ; qu'un avertissement pour non-respect de l'article 4-6 du règlement intérieur de l'entreprise lui a été notifié le 20 mai 2010 ; qu'ayant, le 8 juillet 2010, enlevé ses chaussures de sécurité pendant sa faction de travail, il a, le jour même, été reçu et entendu en entretien informel par le directeur général régional présent sur le site qui lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire ; qu'il s'est vu notifier, le 23 juillet 2010, son licenciement pour faute grave pour avoir travaillé pieds nus, sans ses chaussures de sécurité, et n'avoir pas, de façon réitérée, respecté les consignes de sécurité ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement notifié le 23 juillet 2010 au salarié ne reposait pas sur une faute grave mais seulement sur une cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et d'un rappel de salaires pour la période de mise à pied, alors, selon le moyen :

1°/ que le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à soi-même n'est pas applicable en matière prud'homale où la preuve est libre ; qu'en retenant, pour considérer comme non établie la preuve de la réitération par M. X... de la violation d'une règle de sécurité que la société ne pouvant s'établir à elle-même une preuve judiciaire, elle ne pouvait dès lors se prévaloir du courriel en date du 8 juillet 2010 émanant de son directeur général régional, duquel il résultait pourtant que le salarié avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés par la lettre de licenciement, au prétexte que son auteur était titulaire du pouvoir disciplinaire qu'il a exercé contre le salarié la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1353 du code civil et le principe de la liberté de la preuve, ensemble les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ qu'il n'y a pas lieu d'écarter par principe les témoignages ou les écrits d'une personne pour la seule raison qu'elles n'ont connu qu'indirectement les faits qu'elles y relatent, la loi s'en remettant seulement sur ce point à la prudence des juges de ce qui est de nature à former leur conviction ; qu'en écartant des débats le courriel en date du 8 juillet 2010 produit par l'employeur, dans lequel le directeur général régional relatait les propos tenus par les personnes présentes lors de l'entretien ayant eu lieu l'après-midi même du 8 juillet dans son bureau, et notamment la façon dont M X... avait reconnu, sans aucune contestation, avoir retiré à deux reprises ses chaussures de sécurité ainsi que l'indiquait son supérieur hiérarchique M. Y... et avoué avoir déjà fait cela la veille au soir, au seul motif que ces déclarations sont rapportés « par ouïe dire » quand il lui incombait d'apprécier la valeur et la portée de ce témoignage indirect, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil ;

3°/ que selon l'article L. 4122-1 du code du travail, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilité, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; que la violation par un salarié d'une règle élémentaire de sécurité telle que celle imposant le port d'équipement de protection, le plaçant en situation de danger ainsi que potentiellement d'autres membres du personnel constitue une faute grave, peu important à cet égard l'ancienneté de l'intéressé ou le caractère isolé du fait sanctionné dès lors que le salarié avait connaissance des consignes et disposait des moyens de les respecter ; qu'ayant constaté que M. X... avait retiré ses chaussures de sécurité au cours de sa faction de travail d'un après-midi, demeurant pieds nus dans l'atelier au prétexte de la chaleur qui y régnait, ce qui constituait une infraction à une règle de sécurité impérative dans l'entreprise, et ayant relevé que cette règle était parfaitement connue du salarié qui s'était encore engagé à la respecter trois mois auparavant en signant à deux reprises un « check list d'accueil de sécurité » la cour d'appel, en décidant néanmoins qu'un tel comportement n'était pas constitutif d'une faute grave au motif inopérant que le salarié avait remis ses chaussures de sécurité à la demande de son supérieur hiérarchique, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 4122-1 et L. 4121-3 du code du travail ;

4°/ qu'en statuant de la sorte sans rechercher, comme elle y était invité, si le non-respect par M. X... des règles de sécurité relatives au port de chaussures de protection, outre qu'il mettait sa propre sécurité en danger, n'empêchait pas toute intervention urgente de sa part dans l'atelier que des circonstances imprévisibles auraient rendu nécessaire et si, dès lors, l'attitude du salarié exposant potentiellement à un danger d'autres membres du personnel ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 4122-1 et L. 4121-3 du code du travail ;

5°/ que la société faisait valoir dans ses conclusions devant la cour d'appel qu'antérieurement à son licenciement, M. X... s'était déjà rendu coupable de la violation d'une règle de base du règlement intérieur relative au signalement des accidents du travail qui avait donné lieu au prononcé trois mois auparavant, d'un avertissement ; que la cour d'appel qui, bien qu'ayant constaté l'existence de cette précédente sanction, s'est bornée à relever que la preuve n'était pas rapportée que les 7 et 8 juillet 2010, M. X... ait par deux fois retiré ses chaussures de sécurité sans rechercher, comme elle y était invité, si l'existence de cet antécédent disciplinaire ne révélait pas une attitude persistante de désinvolture du salarié à l'égard des consignes touchant à la sécurité justifiant que soit retenue, à la suite d'un nouveau manquement, une faute grave à son encontre, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 4122-1 et L. 4121-3 du code du travail ;

Mais attendu que dans le cadre de l'exercice de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits devant elle et sans méconnaître les règles de preuve, la cour d'appel, qui a relevé que l'employeur ne démontrait pas la répétition du défaut de port des chaussures de sécurité qu'il reprochait au salarié aux termes de la lettre de licenciement, a pu décider que la faute commise ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise et ne constituait pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Smurfit Kappa France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Smurfit Kappa France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Smurfit Kappa France.

Ce moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement notifié le 23 juillet 2010 à Monsieur Medhy X... ne reposait pas sur une faute grave mais seulement sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la S. A. S. SMURFIT KAPPA FRANCE au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et d'un rappel de salaires pour la période de mise à pied ainsi que d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'sur les motifs énoncés par la S. A. S. lors de la notification du licenciement au salarié le 23 juillet 2010, selon l'article L 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ; que cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; qu'elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue pour l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué ; que conformément à l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de notification du licenciement pour faute grave énonce les motifs invoqués par l'employeur ; que cette lettre fixe les limites du litige et l'employeur ne peut invoquer un autre motif que ceux qu'il a notifiés au salarié ; qu'en l'espèce, la lettre du 23 juillet 2010, notifiant au salarié son licenciement, ainsi libellée :
« Par lettre recommandée avec accusé de réception du 09 juillet 2010, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute et vous avons confirmé dans cette lettre votre mise à pied à titre conservatoire qui vous avait été notifiée verbalement en date du 08 juillet 201 par Monsieur Z..., Directeur Général Régional et ce durant le temps nécessaire à la procédure et à notre prise de décision. Le jour de l'entretien, soit le 20juillet 2010, vous vous êtes présenté accompagné de Monsieur Bernard A..., salarié de notre entreprise. Lors de cet entretien, nous vous avons fait part des griefs à votre encontre et nous vous avons exposé les faits suivants :
- Le 08 juillet 2010 à 15 h 30 (soit 2h 1/ 2 après votre prise de poste) votre supérieur hiérarchique, Monsieur Bruno Y... constate que vous êtes pieds nus assis sur le repose-fesses et les pieds sur la rambarde au margeur de la bobst 203, localisation de votre poste de travail. Il vous fait signe de remettre vos chaussures de sécurité. Vous vous exécutez, puis, de nouveau devant lui, vous ressortez vos pieds des chaussures de sécurité pour les reposer sur la rambarde en faisant signe à Monsieur Y... que vos pieds gonflent. Monsieur Z..., Directeur Général Régional présent sur le site, est informé de votre comportement et décide de vous recevoir immédiatement dans son bureau accompagné de Madame B..., Directeur de Production, Messieurs C... et J..., ouvriers sur le site, Monsieur Y..., votre supérieur hiérarchique et Monsieur D...Frédéric, en qualité de délégué du personnel. Lors de cet entretien, les faits sont bien avérés et d'ailleurs, vous ne les contestez pas, expliquant que vous " pensiez ne rien faire de mal ", que vos pieds gonflaient, que vous " chiniez (taquiniez) " votre supérieur et qu'il n'y avait " pas de risque car vous ne travailliez pas ". Par ailleurs, vous confirmez à Monsieur Z... avoir eu le même comportement le 07/ 07/ 2010 au soir (retrait des chaussures de sécurité au poste de travail). Compte tenu de ce qui précède, Monsieur Z... décide de vous mettre immédiatement à pied à titre conservatoire face à votre non-respect flagrant et réitéré des règles élémentaires de sécurité pouvant entraîner en fonction de circonstances imprévisibles, des conséquences graves pour votre propre sécurité et celle des autres.
- Lors de l'entretien préalable du 20 juillet 2010, après vous avoir rappelé les faits ci-dessus énoncés, je vous ai aussi rappelé que nous avions déjà été confrontés, vous concernant, à un manquement de cette nature puis que je vous avais reçu un mois plus tôt pour, par la suite, vous sanctionner par un avertissement (lettre du 20/ 05/ 2010) suite au non-respect d'une règle de base de notre règlement intérieur. Il vous avait été précisé à cette occasion que, si un nouveau manquement se présentait, nous serions amenés à prendre une sanction plus grave. Or les manquements des 07 et 08 juillet 2010 indiqués ci-dessus et reconnus par vous lors de l'entretien avec Monsieur Z..., caractérisent des manquements graves aux règles élémentaires de sécurité reprises dans notre règlement intérieur dans son article 02 faisant lui-même référence à l'article L. 4122-1 du code du travail. Du fait de votre ancienneté (16 ans) dans l'entreprise et des consignes reçues au travers de la définition du poste de conducteur transformation avec impression, notre règlement intérieur et notes de service associées, vous saviez parfaitement que le fait d'enlever vos chaussures de sécurité, alors que vous êtes à votre poste de travail sur la machine, peut vous exposer, ainsi que vos collègues, à tout moment sur un site industriel, à une situation de danger qui plus est lorsque ce comportement s'est reproduit par deux fois démontrant ainsi votre complète insouciance et votre inconséquence face à un éventuel risque concernant votre santé et votre détermination à vous en affranchir.
Ce comportement délibéré et provocateur de non respect des règles impératives dé port d'un équipement individuel de protection et cette inconséquence sont d'autant plus surprenants que, comme vous le savez, vous avez déjà été victime à plusieurs reprises d'accidents du travail. Dans ces conditions, vous devriez être normalement encore plus sensibilisé aux règles impératives de protection individuelle pour votre propre sécurité ainsi que celle de vos collègues et donc sensibilisé sur les conséquences éventuelles d'un accident suite au non respect du port des équipements de protection dans une activité de production industrielle telle que la nôtre.
Lors de notre entretien, vous avez d'ailleurs reconnu les faits, expliquant que les chaussures de sécurité sont difficiles à porter lorsqu'il fait chaud et que vos pieds gonflaient. Par ailleurs, vous nous avez précisé qu'au moment où vous aviez retiré vos chaussures de sécurité, vous étiez assis car la commande " passait bien ", vous permettant ainsi de " souffler ".
Concernant vos chaussures de sécurité, je vous ai demandé si elles vous convenaient et vous avez répondu par l'affirmative. De même, concernant la chaleur, je vous ai demandé si vous aviez pris connaissance de la note affichée des bonnes pratiques en la matière ; là encore, vous avez répondu par l'affirmative.
Enfin, nous ne pouvons qu'être stupéfaits quant à votre explication sur l'absence de risque du fait que la commande " passait bien ". La machine sur laquelle vous travailliez a une longueur d'environ 40 mètres et son équipage est composé de deux personnes, l'une à l'entrée (en l'occurrence vous ce jour-là) et l'autre à la sortie, donc quarante mètres plus loin. La situation dans laquelle vous étiez, assis sur le repose-fesses, pieds-nus-sur la rambarde, rendait potentiellement impossible tout intervention spontanée et rapide en cas de situation d'urgence tant en terme de production (bourrage par exemple) qu'en terme de sécurité au cas où votre collègue aurait eu un problème quelconque nécessitant un arrêt immédiat de la machine ; ceci est d'autant plus inadmissible que vous êtes conducteur transformation avec impression.
Force est de constater que les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 20 juillet 2010 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour fautes graves caractérisées par le non respect délibéré et provocateur à deux reprises des règles élémentaires de sécurité applicables sur notre site et en particulier à votre poste de travail (port des chaussures de sécurité) dont vous aviez parfaitement connaissance, vous exposant ainsi, sur un site industriel, à une situation de danger grave si un incident était intervenu et, potentiellement, vos collègues du fait que vous vous étiez mis dans une situation rendant impossible toute intervention immédiate de votre part.
Compte tenu de la gravité de celles-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Le licenciement prendra donc effet immédiatement à la date d'envoi de cette lettre sans indemnité de préavis ni de licenciement. La période non travaillée du 08 juillet 2010 à 16 heures 15 à la date présumée ci-dessus, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.
Par ailleurs, nous vous informons que vous avez acquis 114 heures au titre du droit individuel à la formation.
Enfin, dans le cadre de la nouvelle loi de modernisation, vous pouvez bénéficier de la portabilité du contrat mutuelle et prévoyance pendant une durée maximale de 09 mois à compter de votre départ effectif de notre entreprise. Nous joignons à la présente un bulletin d'adhésion ainsi qu'une notice explicative* Dans tous les cas, vous voudrez bien nous retourner ledit bulletin complété selon votre choix sous 10 jours.

Nous vous ferons parvenir votre solde de tout compte avec votre dernier bulletin de salaire ainsi que votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC » ;

QUE sur les règles applicables au licenciement pour faute grave, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise ; que la faute grave du salarié entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement ; que l'employeur qui allègue une faute grave du salarié a la charge de la preuve ; que l'employeur ne peut pas se prévaloir d'une faute grave s'il a toléré les faits sans y puiser un motif de sanction ou si le salarié, mis en demeure de faire cesser son comportement, a obtempéré ;

QUE sur la cause de licenciement notifié et sur la gravité des fautes relevées, en l'espèce, les motifs du licenciement pour faute grave sont ainsi définis par la S. A. S. : " nous vous informons que nous avons décidé " de vous licencier pour fautes graves caractérisées par le non respect délibéré et provocateur à deux reprises des règles élémentaires de sécurité applicables sur notre site et en particulier à votre poste de travail (port des chaussures de sécurité) dont vous aviez parfaitement connaissance, vous exposant ainsi, sur un site industriel, à une situation de danger grave si un incident était intervenu " ; que l'employeur retient ici comme fautes graves à rencontre du salarié :- le non respect de la règle de sécurité lui imposant le port de chaussures de sécurité à son poste de travail pendant la faction de travail,- la réitération à deux reprises de ce non respect, le comportement délibéré et provocateur déduit de cette réitération ; que le salarié reprend dans le débat judiciaire sa contestation de toute réitération du fait unique de retrait de ses chaussures de sécurité pendant une faction de travail le jeudi 08 juillet 2010 à 15 heures 30, telle qu'exprimée par sa lettre du 11 août 2010 :- il a retiré ses chaussures de sécurité pendant la faction de travail à une seule reprise le 08 juillet 2010 vers 15 h 30 Journée de canicule où il a fait particulièrement chaud et où la température relevée dans les ateliers était très élevée, pour soulager ses pieds qui enflaient,- il a immédiatement obtempéré aux signes de son supérieur hiérarchique Monsieur Bruno Y... lui intimant l'ordre de remettre ses chaussures de sécurité et il ne les a jamais retirées une deuxième fois aussitôt après comme le prétend à tort la S. A. S.,- lors de 1'entretien du 08 juillet 2010 tenu avec le Directeur Général Régional, Monsieur Z..., il a parlé de la journée de la veille, 07 juillet 2010, mais uniquement pour signaler que la veille avait déjà été une journée très chaude et qu'il avait été soulagé de pourvoir retirer ses chaussures de sécurité le soir du 07 juillet 2010 après 21 heures, à la fin de sa faction de travail, et non pendant sa faction de travail comme le retranscrit à tort l'employeur dans la lettre de licenciement ; que contestant ainsi toute réitération d'un fait unique de retrait des chaussures de sécurité pendant le temps de la faction de travail, le salarié conteste formellement toute réitération et tout caractère délibéré et provocateur de son comportement uniquement dû à 1'inconfort des chaussures de sécurité par temps de très forte chaleur caniculaire faisant enfler ses pieds ; que la S. A. S. ayant retenu comme motifs de licenciement des fautes graves de son salarié a la charge de la preuve de telles fautes qu'elle lui impute (le non respect des règles de sécurité imposant le port de chaussures de sécurité, sa réitération à deux reprises, le comportement délibéré et provocateur déduit de cette réitération) ; que le fait unique de non respect de la règle de sécurité est établi par l'aveu écrit du salarié dans sa lettre du 11 août 2010, aveu réitéré par ses conclusions écrites, qu'il a retiré ses chaussures de sécurité une seule fois pendant sa faction de travail, le 8 juillet 2010 à 15h30 en raison la chaleur caniculaire et qu'il les a immédiatement remises sur injonction de son supérieur hiérarchique Monsieur Bruno Y... ; que pour tenter d'apporter la preuve de la réitération et du comportement délibéré et provocateur du salarié auteur d'une telle réitération, le S. A. S. ne produit qu'une seule pièce : le courriel du 08 juillet 2010 à 16 heures 23 rédigé par son Directeur Général Régional Monsieur Dominique Z... (Pièce n° 08 de la S. A. S.) et adressé au Directeur Régional des Ressources Humaines, Monsieur Pascal E..., avec copie pour Monsieur Éric F...(dont la fonction n'est pas précisée) et pour le Directeur de Production, Madame Agathe G...; que courriel rapporte par ouïe-dire :- les constatations de Monsieur Bruno Y..., supérieur hiérarchique direct de Monsieur Medhy X... qui a constaté à 15 heures 30 que ce salarié avait retiré ses chaussures de sécurité, qui lui a demandé de les remettre et qui a obtenu qu'il les remette,- les déclarations faites par deux ouvriers de production Messieurs H...et J... lors d'un entretien à 16 heures provoqué par le Directeur Général Régional, attestant que Monsieur Medhy X... avait bien enlevé ses chaussures de sécurité et qu'il était pieds nus,- les déclarations de Monsieur Medhy X... pensant n'avoir rien fait de mal ni de grave,- l'accusation du Directeur Général Régional " ayant entendu dire " (sans autre précision) que Monsieur Medhy X... aurait eu la même attitude la veille,- la réponse de Monsieur Medhy X... qui " avoue avoir aussi fait cela hier soir " ; que ce courriel se conclut sur l'exercice par son auteur de son pouvoir disciplinai en ces termes : " Donc mise à pied conservatoire, car, en temps que patron, je ne peux pas prendre le risque de garder quelqu'un qui n'applique pas les règles de sécurité " ; qu'or l'auteur est le Directeur Général Régional, présent sur le site le jeudi 08 juillet 2010, celui qui a immédiatement exercé verbalement son pouvoir disciplinaire " en temps que patron " et mis en oeuvre la mise à pied conservatoire du salarié critiqué le jour même à 16 h 15 : qu'alors que le courriel du 08 juillet 2010 cite deux ouvriers, Messieurs H...et J... comme témoins du fait de non respect de la règle de sécurité par Monsieur Medhy X... qui a le jour même enlevé ses chaussures de sécurité, la S. A. S. n'a pas même produit aux débats judiciaires une quelconque attestation de l'un de ces deux témoins ; que la S. A. S. ne pouvant s'établir à elle-même une preuve-13-
judiciaire, ne peut ici se prévaloir pour établir la faute grave qu'elle allègue à l'encontre du salarié licencié d'un document émanant de son Directeur Général Régional titulaire du pouvoir disciplinaire qu'il a exercé contre le salarié concerné ; que la réitération alléguée ici par la SAS n'est donc nullement établie, non plus que le comportement délibéré et provocateur qui en a été déduit ; qu'il en résulte qu'aucune preuve n'est ici rapportée que Monsieur Medhy X... aurait affiché de manière délibérée et provocatrice par sa réitération à deux reprises un comportement de complète insouciance et inconséquence vis-à-vis des règles de sécurité en retirant le 08 juillet 2010 ses chaussures de sécurité ; que de plus, dès lors que le salarié, mis en demeure de faire cesser son comportement contraire aux règles de sécurité, a immédiatement obtempéré et remis les chaussures de sécurité à la demande de son supérieur hiérarchique Monsieur Bruno Y..., la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ne peut être retenue ; qu'en conséquence, réformant de ce chef le jugement, la cour rejette comme non établie la faute grave alléguée ;

QUE sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, en l'absence de preuve d'une faute grave du salarié licencié, il appartient au juge de vérifier s'il existe une cause réelle et sérieuse au licenciement ; que pour écarter toute cause réelle et sérieuse de licenciement, le salarié qui reconnaît avoir retiré ses chaussures de sécurité le 08 juillet 2010 à 15 heures 30 en raison de la canicule constatée ce jour-là, soutient :- que les règles de sécurité à son poste de travail résultant de la fiche de sécurité de son poste de travail à la machine BOBST 203 (pièce n° 32 de la S. A. S.), si elles contiennent l'obligation de porter d'autres équipements de protection individuelle (gants, lunettes de sécurité, masque éventuel, protections auditives,...), ne mentionnent pas d'obligation de porter des chaussures de sécurité,- que le règlement intérieur qui fait obligation de porter les équipements de protection individuelle, ne précise pas que les chaussures de sécurité y sont incluses : mais qu'en réalité, il s'évince de plusieurs documents versés aux débats que l'employeur impose depuis plusieurs années à tous les postes de travail de l'atelier et même à tout employé de l'entreprise dès lors qu'il circule dans l'atelier, de porter des chaussures de sécurité :- le document non daté intitulé " 12 must hâves " (pièce n° 16 de la S. A. S.) le rappelle expressément en son point n° 06,- les 104 contrats de missions temporaires effectuées de 1992 à 1995 par Monsieur Medhy X... (sa pièce n° 02) portent tous la mention expresse " chaussure de sécurité ",- les check lists d'accueil de sécurité de Monsieur Medhy X... visées par lui les 08 avril et 30 avril 2010 précisent " Protection individuelle : valider le port de chaussures de sécurité " (pièce n° 01 de la S. A. S.) ; que cette règle de sécurité était d'autant mieux connue, admise, acceptée et régulièrement appliquée par Monsieur Medhy X... lui-même qu'il a immédiatement obtempéré le 08 juillet 2010 lorsque son supérieur hiérarchique lui a intimé l'ordre de remettre : ses chaussures de sécurité retirées en raison de la chaleur caniculaire de cette journée ; qu'il ne peut donc être déduit aucune exception au port des chaussures de sécurité dans l'atelier faute de mention précise expresse énumérant de façon exhaustive tous les équipements de protection individuelle imposés par le règlement intérieur comme le suggère le salarié ; que Monsieur Medhy X..., en retirant ses chaussures de sécurité pendant sa faction de travail d'après-midi le 08 juillet 2010 à 15 heures 30, au prétexte de la canicule et de la chaleur régnant alors dans l'atelier, a enfreint une règle de sécurité, ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en conséquence, réformant de ce chef le jugement, la cour dit que le licenciement notifié le 23 juillet 2010 à Monsieur Medhy X... repose non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse ;

ALORS DE PREMIERE PART QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à soi-même n'est pas applicable en matière prud'homale où la preuve est libre ; qu'en retenant, pour considérer comme non établie la preuve de la réitération par Monsieur X... de la violation d'une règle de sécurité, que la société SMURFIT KAPPA France ne pouvant s'établir à elle-même une preuve judiciaire, elle ne pouvait dès lors se prévaloir du courriel en date du 8 juillet 2010 émanant de son directeur général régional, duquel il résultait pourtant que le salarié avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés par la lettre de licenciement, au prétexte que son auteur était titulaire du pouvoir disciplinaire qu'il a exercé contre le salarié, la Cour d'appel a violé les articles 1315 et 1353 du Code civil et le principe de la liberté de la preuve, ensemble les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du travail ;

ALORS DE DEUXIEME PART QUE il n'y a pas lieu d'écarter par principe les témoignages ou les écrits d'une personne pour la seule raison qu'ils n'ont connu qu'indirectement les faits qu'elles y relatent, la loi s'en remettant seulement sur ce point à la prudence des juges de ce qui est de nature à former leur conviction ; qu'en écartant des débats le courriel en date du 8 juillet 2010 produit par l'employeur, dans lequel le directeur général régional relatait les propos tenus par les personnes présentes lors de l'entretien ayant eu lieu l'aprèsmidi même du 8 juillet dans son bureau, et notamment la façon dont Monsieur Medhy X... avait reconnu, sans aucune contestation, avoir retiré à deux reprises ses chaussures de sécurité ainsi que l'indiquait son supérieur hiérarchique Monsieur Y... et avoué avoir déjà fait cela la veille au soir, au seul motif que ces déclarations sont rapportées « par ouï-dire » quand il lui incombait d'apprécier la valeur et la portée de ce témoignage indirect, la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 9 du Code de procédure civile et 1353 du Code civil.

ALORS DE TROISIEME PART, et en tout état de cause, QUE selon l'article L. 4122-1 du Code du travail, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ; que la violation par un salarié d'une règle élémentaire de sécurité, telle que celle imposant le port d'équipement de protection, le plaçant en situation de danger ainsi que potentiellement d'autres membres du personnel constitue une faute grave, peu important à cet égard l'ancienneté de l'intéressé ou le caractère isolé du fait sanctionné, dès lors que le salarié avait connaissance des consignes et disposait des moyens de les respecter ; qu'ayant constaté que Monsieur X... avait retiré ses chaussures de sécurité au cours de sa faction de travail d'un après-midi, demeurant pieds nus dans l'atelier au prétexte de la chaleur qui y régnait, ce qui constituait une infraction à une règle de sécurité impérative dans l'entreprise, et ayant relevé que cette règle était parfaitement connue du salarié qui s'était encore engagé à la respecter trois mois auparavant en signant à deux reprises un « check list d'accueil de sécurité », la Cour d'appel, en décidant néanmoins qu'un tel comportement n'était pas constitutif d'une faute grave au motif inopérant que le salarié avait remis ses chaussures de sécurité à la demande de son supérieur hiérarchique, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9, L4122-1 et L. 4121-3 du Code du travail ;

ALORS DE QUATRIEME PART, et en outre, QU'en statuant de la sorte sans rechercher, comme elle y était invitée, si le non-respect par Monsieur X... des règles de sécurité relatives au port de chaussures de protection, outre qu'il mettait sa propre sécurité en danger, n'empêchait pas toute intervention urgente de sa part dans l'atelier que des circonstances imprévisibles auraient rendu nécessaire et si, dès lors, l'attitude du salarié exposant potentiellement à un danger d'autres membres du personnel ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L4122-1 et L. 4121-3 du Code du travail ;

ET ALORS ENFIN QUE la société SMURFIT KAPPA France faisait valoir dans ses conclusions devant la Cour d'appel qu'antérieurement à son licenciement, Monsieur X... s'était déjà rendu coupable de la violation d'une règle de base du règlement intérieur relative au signalement des accidents du travail qui avait donné lieu au prononcé, trois mois auparavant, d'un avertissement ; que la Cour d'appel qui, bien qu'ayant constaté l'existence de cette précédente sanction, s'est bornée à relever que la preuve n'était pas rapportée que les 7 et 8 juillet 2010, Monsieur X... ait par deux fois retiré ses chaussures de sécurité sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence de cet antécédent disciplinaire ne révélait pas une attitude persistante de désinvolture du salarié à l'égard des consignes touchant à la sécurité, justifiant que soit retenue, à la suite d'un nouveau manquement, une faute grave à son encontre, la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L4122-1 et L. 4121-3 du Code du travail.



ECLI:FR:CCASS:2016:SO01248

Analyse

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux , du 10 décembre 2014

 

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